« IN NOMINE PATRIS » : note des auteurs (myriam tonelotto & marc hansmann)
Mère divorcée pour l’une, enfant du divorce pour l’autre, c’est avec soulagement que nous avons accueilli en 2002 la légalisation en France de la garde alternée. Partage égalitaire entre père et mère séparés des responsabilités et du plaisir d’élever leurs enfants, la garde alternée nous a toujours paru le dispositif le plus juste pour des parents également impliqués dans l’éducation, les soins et la tendresse portés à l’enfant.
Pourtant nous devons aujourd’hui admettre qu’à l’heure actuelle, la garde alternée ne représente réellement une avancée positive que pour une minorité de femmes. Car pour bon nombre de mères, la garde alternée s’avère problématique.
Pourquoi ? En légiférant sur la garde alternée, les gouvernements des pays occidentaux ont souhaité mettre en place un dispositif renforçant l’égalité hommes femmes : libérer du temps pour les mères, accorder aux pères les joies du paternage. Le tout dans le meilleur intérêt de l’enfant. Mais nos dirigeants ont pêché par irénisme : les bienfaits de la garde alternée ne peuvent se manifester que dans une société où l’égalité entre hommes et femmes serait réelle et profonde. Or, on en est loin. Et si la majorité d’entre nous est tellement accoutumée à l’inégalité de fait qu’elle ne la perçoit qu’en pointillés, la réalité pour les femmes occidentales demeure la suivante :
- Inégalité des revenus à travail égal. Discrimination à l’embauche pour les postes les plus rémunérateurs.
- Inégalité dans le partage des tâches domestiques et dans le travail de soin aux enfants.
- Inégalité face à la violence, très majoritairement masculine
La garde alternée, dans ce contexte, ouvre la porte à des situations périlleuses. Car dans la pratique, loin de l’égalité souhaitée par les gouvernements, la garde alternée s'avère l’occasion de creuser encore les inégalités entre hommes et femmes. La garde alternée amène en effet à:
- Diminuer encore les ressources financières des mères seules, les législations annexes supprimant la pension alimentaire et partageant entre les deux parents avantages fiscaux et allocations familiales.
- Restreindre la mobilité géographique de l’ex-conjoint(e).
- Permettre aux conjoints contrôlants ou violents de garder prise sur leur ex. Or, malheureusement, la violence et la domination restent des phénomènes majoritairement masculins.
Et ce n’est pas tout. Plus insidieusement, la garde alternée, dans le contexte inégalitaire actuel, pose un premier jalon pour entamer davantage encore les acquis des femmes. Un travail de sape organisé par des groupes de pression, les « masculinistes », qui, sous couvert de défendre l’intérêt des pères et l’égalité des sexes, s’efforcent en fait de:
- Dissuader les femmes de divorcer
- Mettre à terre les dispositifs de protection des femmes contre la violence
- Imposer le principe de co-décision en matière d’avortement
L’agenda masculiniste va même plus loin, puisqu’il pousse à la fin de la mixité à l’école, et se bat contre la parité homme-femmes en politique !
Or les lobbies des « pères », masque sympathique des groupuscules masculinistes, ont en ce moment le vent en poupe : sous leur pression, la garde alternée, actuellement proposée par la Justice mais non imposable, menace désormais d’être appliquée de façon systématique, et à tout le moins dès lors qu’un seul des deux parents la requiert. Un systématisme déjà à l’œuvre dans certains États des USA, quasiment acquis en Allemagne, réclamé en France, et actuellement à l’examen en Belgique, Grande Bretagne, Canada, Australie…
Il y a donc urgence. Urgence à dénoncer un système qui pour aussi idéal qu’il puisse apparaître dans un monde juste, représente un danger réel dans une société inégalitaire. Urgence à mettre à jour les intentions réelles des groupes de pressions qui exigent sa mise en œuvre. Urgence à réveiller citoyens et dirigeants. Urgence à appeler la majorité des pères, aimante et responsable, à prendre distance avec une petite poignée influente et rétrograde. In nomine Patris. Les vrais. Vous ?