Cercle
d'Etude de Réformes Féministes
Face aux obscurantismes (l'islamiste et les autres) : le Devoir de Liberté
Fiche
de lecture
GHALEB
BENCHEIKH
« ALORS
C’EST QUOI L’ISLAM ? » PRESSES DE LA RENNAISSANCE 2001
p31
" Le monde musulman est il si différent du monde occidental ?
L’opposition
Islam/Occident est foncièrement impropre, tant sur les plans historique et géographique
que conceptuel. (…)
Si
on aborde les questions cruciales de démocratie, des libertés fondamentales et
des droits de l’homme, il est vrai qu’elle ne sont pas encore résolues dans
les pays islamiques, et notamment dans le monde arabe. Mais imputer à l’islam
d’une façon intrinsèque leur inexistence serait faire preuve de myopie
intellectuelle (...)
En
Europe même, il ne faudrait pas oublier que l’Aufklärung, le siècle des
Lumières, n’est pas venu avec la bénédiction de l’Eglise, mais contre sa
volonté. (..) Il n’y a aucune raison qu’il n’en aille pas de même à
l’intérieur de l’islam, pour peu que les théologiens et les ulemas aient
le courage intellectuel d’entreprendre un énorme travail de réforme, à
l’exemple de ce que fit l’Eglise lorsqu’elle lança son aggiornamento par
la mise en œuvre du concile Vatican II."
p40
"Ce n’est pas parce que des organisations terroristes, qui ne nous
engagent en rien, usurpent l’islam et parlent d’une guerre contre « l’infidèle »,
qu’il faut entrer en résonance, en parlant de « fascisme islamique »
ou de « supériorité indéniable de la chrétienté sur l’islam »"
p52
"Ce que ces Talibans psychopathes, frustrés et obsédés font subir aux
femmes –souvent beaucoup plus instruites et cultivées qu’eux d’ailleurs-
est abject (…)
Le
silence lâche des dirigeants musulmans dans le monde devant la tragédie des
femmes afghanes les rend de facto complices. Néanmoins, je dénonce aussi la
passivité et l’hypocrisie de la communauté internationale. "
p64
"Je mets au défi quiconque de trouver dans le corpus coranique la moindre
sanctification de la guerre (…)
Cependant
on ne peut nier qu’il existe un certain nombre de versets, notamment ceux de
la sourate 9, intitulée « le repentir » qui sont de facture
martiale. Ils sont terribles et nous ne pouvons les ignorer ni les minorer. Ce
sont ceux là qui sont instrumentalisés par les extrémistes criminels du GIA
et les sbires de Ben Laden. (…)
Ce
n’est pas parce qu’il est dit dans la Bible qu’il faut exterminer les Jébuséens
jusqu’à la septième génération et anéantir le peuple d’Amalec jusqu’à
la denière poule qu’on oublie le souffle d’amour qui traverse la Bible !
Le même traitement doit être réservé au Coran. "
p85
"Est fanatique celui qui le veut, et ne l’est pas celui qui le veut
aussi."
p88
"C’est l’islam authentique, éclairé et « soluble dans la laicité »
qui demeure l’antidote à tout fanatisme. Seule la formation d’imams sérieux,
instruits et cultivés, à l’esprit gallican, peut nous prémunir du fanatisme
que nous redoutons tant. "
P90
"Nous ne comprenons pas du tout pourquoi, tandis que nous nous égosillons
contre les exactions atroces commises envers le peuple algérien par les
terroristes du G.I.A. monsieur Anouar Haddam, porte parole du F.I.S. trouvait
sanctuaire à Washington. (…) C’est depuis la capitale américaine qu’il
les revendiquait et les justifiait !"
pP92
et 93 "Aucune religion au monde n’a renoncé au pouvoir temporel motus
proprio, pas même le christianisme. (…)
Aucune
religion au monde ne résiste à une laïcisation voulue par le pouvoir
politique, pas même l’islam. (…)
Le
salut des pays musulmans passe par la rupture du cordon ombilical entre les
corps politique et religieux. De
toute façon, chaque fois qu’il y a confusion, elle profite toujours au
premier, jamais au second. C’est ainsi que la tyrannie s’abat sur les
hommes, et de surcroît au nom de Dieu. C’est un totalitarisme absolu."
P98
"Le statut de « dhimmitude » ( il s’agissait d’une
protection dans un pacte d’honneur ». Les juifs et les chrétiens qui
vivaient en terre d’islam devaient s’acquitter d’un tribut dit de « capitation »),
tant décrié, non sans raisons, de nos jours, fut – sans apologie aucune –
le meilleur système qu’on pratiquât sous quelque climat religieux que ce fut
pendant des siècles. On commettrait une grave erreur d’appréciation et
d’analyse et un anachronisme si l’on condisérait cette période en regard
des avancées somme toute récentes dans les domaines du droit de cité et de la
liberté religieuse."
L’ISLAM
ET LE JUDAÏSME EN DIALOGUE
ENTRETIENS ENTRE GHALEB BENCHEIKH ET LE RABBIN PHILIPPE HADDAD
LES
EDITIONS DE L’ATELIER 2002
p75
GB : "Le rôle et le devoir d’un dignitaire religieux doivent aller
toujours dans le sens de l’apaisement, jamais dans l’instrumentalisation de
la religion pour aggraver la discorde et attiser le feu. "
P77
PH : "comprenons que le sens de tout discours religieux dépend de la
manière dont les hommes interprètent celui-ci."
P128
– 129 "Jamais la dignité humaine et les droits fondamentaux de l’être
humain n’ont été autant altérés, bafoués, aliénés que par, et dans les
traditions religieuses à travers l’histoire et encore aujourd’hui, alors
que celles-ci recèlent à profusion des commandements prônant la charité,
l’amour, la fraternité…
Je
suis revenu des Balkans convaincu qu’une paix véritable et durable entre les
hommes n’adviendrait jamais si les hommes de foi et les dignitaires religieux
eux-mêmes ne s’investissaient pas dans cette optique, sachant l’impact de
la religion sur les fidèles.(…)
« Si
je me tais,ai-je pensé, je suis complice » Donc, je ne me suis pas tu.
J’ai écrit, j’ai parlé, j’ai fait de mon mieux. J’ai dénoncé tout ce
qui me paraissait scandaleux dans les années écoulées : le GIA algérien,
les talibans, Abou Sayyaf dans l’ile de Jolo, la Jamâat islamiya en Egypte
etc.. (…)"
p131
"La peur de passer pour un traître existe ! mais in fine, seul compte
le fait d’agir selon sa conscience : ce que je dis est juste, à partir
d’une posture juste équilibrée, en phase avec mes convictions. Et dans ce
cas, s’il y a des choses bonnes, je les dirais. Et s’il y a des choses moins
bonnes, je continuerai à les dénoncer. Si cela plaît à mes coreligionnaires
c’est très bien. Si cela leur déplaît, c’est peut être difficile, mais
je ne perdrai pas mon âme."
P137
"Au Maroc, dans un cadre universitaire islamo-islamique, (…) J’ai dû
expliquer que si les Occidentaux, notamment, éprouvent une telle islamophobie,
elle est justifiée pour une grande part par le comportement ignominieux
d’illuminés exaltés autoproclamés seuls procurateurs de Dieu et défenseurs
exclusifs de ses droits, alors qu’ils ne cessent de tout bafouer, un
comportement que personnellement je condamne et je récuse, « ce que
je ne vous ai pas entendu faire suffisamment, vous les hiérarques » ai
–je précisé à l’attention de mon auditoire.
Je
leur ai cité des exemples, j’ai évoqué la « talibanisation »
des esprits dans les banlieues des villes françaises : « Je ne vois
pas pourquoi, leur ai-je dit, des jeunes musulmans issus de l’immigration
commencent à porter la coiffe et tunique afghanes . Celles-ci ne sont même
pas conformes, à l’extrême rigueur, aux habits traditionnels de leur pays
d’origine. » "
P143
-144 GB : "Il est clair que la laïcité à la française représente
une chance pour le dialogue et les rencontres. Je le pense fondamentalement.
C’est une conviction forte, les espaces laïques aident, comme une catalyse
l’alchimie du dialogue.
Tant
que la laïcité prend la forme d’un forum, d’un espace, d’une garantie
juridique, d’une neutralité, s’agissant de l’administration quant aux
questions cultuelles, nous en sommes tous demandeurs. A cet égard la laïcité
devient un bien transmissible aux pays arabo-musulmans.(…) Mais si la laïcité
se montre sous un jour belliqueux anticlérical, elle acquiert du coup une épaisseur
idéologique et rivalise avec les doctrines, les religions, les idéologies en
place. Alors elle ne joue plus le rôle de parapluie sous lequel nous nous
abritons tous.
PH :
L’état laïc avec une séparation des Eglises et de l’Etat représente une
chance pour la France, pour les religions, pour le dialogue interreligieux. Qu’est
ce que cela signifie ? Que la religion demeure une affaire privée qui ne
doit pas déborder sur l’espace commun –espace politique au sens étymologique
du terme. Ce fut l’option du judaïsme après l’émancipation de 1791 (.. .)
A la question de l’Empereur [ Napoléon 1er],
« comment vous situez vous par rapport à la société ? »
les juifs répondirent « nous pratiquons notre religion soit à la maison,
soit à la synagogue, et pour le reste nous sommes citoyens. »"
P145 PH : "de la même manière qu’au début du XX° siècle, au nom de la laïcité, on n’introduisait pas la religion à l’école, aujourd’hui, au nom de la laïcité, il faut introduire l’enseignement du fait religieux en tant que culture."