Cercle
d'Etude de Réformes Féministes
Face aux obscurantismes (l'islamiste et les autres) : le Devoir de Liberté
SALIMA
DERAMCHI
ASSOCIATION
DES FEMMES ALGERIENNES LAÏQUES ET DEMOCRATIQUES
D'ICI
ET DE LA-BAS.
Je
veux "juste" être libre !
Lancer
des discussions, des réflexions, créer des enjeux autour du foulard et
seulement autour de lui, n'est-ce pas une façon de noyer le poisson ?
Que
comprendre, quand les politiques de gauche et de droite et tous ceux qui se
disent "apolitiques" (O.N.G.) font toutes ces démarches pour aller à
la rencontre des défenseurs de la religion et de ceux qui la conçoivent comme
un système politico-économique et social.
Que
comprendre, quand les politiques avec les deniers publics, l'argent du
contribuable, reçoivent et aident les porteurs des idées intégristes.
Que
comprendre, quand les étrangers, pour ne pas dire les afro-maghrébins, laïques
de culture musulmane, ne sont pas entendus, ne sont pas sollicités et ne sont
pas soutenus.
Tout
ce tapage autour du foulard, en tant qu'algérienne, me fait rire et pleurer en
même temps. Arrivée dans le pays des droits de Homme, de l'égalité entre les
sexes, du respect de soi et des autres, bref dans le pays où les fondements de
l'universalité sont profondément enracinés, du moins le croyais-je, je me
retrouve dans la même spirale, les mêmes questionnements que là-bas.
Si
aujourd'hui, la démocratie est réduite à sa simple _expression, les élections
et le nombre de voix obtenues, les politiques qui aspirent à la prise de
pouvoir ont raison de se rapprocher des extrémistes religieux, toutes tendances
confondues ; ils ont raison d'ignorer les souffrances, les aspirations de tous
ceux qui meurent pour la liberté.
Mais
comment, dans un pays laïque, où théoriquement il est impossible d'avoir des
statistiques sur les pratiques religieuses des citoyens, peut-on déterminer
avec précision le nombre de musulmans, de juifs et de chrétiens ? Sur quels
critères se base-t-on pour affirmer par exemple que l'islam est la deuxième
religion de France ? est-ce en rapport avec les noms, est-ce en rapport avec les
pays d'origine ? Mais alors, moi étant algérienne, je serais donc comptabilisée
"musulmane" et aurais donné délégation à une instance qui serait
élue pour me représenter et m'indiquer le droit chemin. En conclusion, me
remettre dans une case et une cage, un peu plus propre et plus brillante que
celle de laquelle je me suis enfuie comme beaucoup de démocrates.
Lancer
les discussions autour du foulard, aujourd'hui, n'est-ce pas une façon de
fournir aux démocrates, aux intellectuelles et aux militant-e-s des droits de
la personne humaine de quoi s'occuper afin de faire passer le plus gros, le plus
dangereux en douce.
La
formation du Conseil National des Musulmans de France dans la précipitation, en
priorité, constitue un danger pour la laïcité. Sans parler de
communautarisme, nous pouvons rappeler que l'islam n'est pas une affaire
personnelle, mais un mode de gestion de la vie publique. Les craintes de dérapage
sont justifiées en ce qui concerne la gestion des individus, des familles et
des groupes.
Le
port du foulard n'est qu'une partie du processus d'enfermement des individus,
des femmes dans un premier temps, autorisé par la Charia, elle-même tolérée
par les politiques.
Il
serait plus intelligent et plus judicieux de placer ces discussions dans un débat
plus général tourné vers la défense de laïcité, de l'égalité entre
hommes et femmes, de l'accès pour tous aux services publics et au travail. Il
s'agit aussi de clarifier les principes de base et de prendre des positions
politiques en rapport avec des actes, quitte à se remettre en cause. Affirmer
sa position contre le port du foulard dans les espaces publics (école, travail,
transport …), c'est dire non au communautarisme, à la création
d'"esclaves" pour les esclaves de la mondialisation économique.
S'opposer
aux élus qui cherchent à contenter des islamistes en nous invoquant la tolérance
et le droit à la différence, tout en oubliant l'élan et l'opposition du
peuple français un certain mois d'Avril et de Mai 2002 pour dire
"non" aux extrémismes et aux fascismes, c'est dire non au foulard.
Revendiquer
le droit des enfants d'origine étrangère à la connaissance de l'histoire des
colonisations ; Réformer le système éducatif dans le sens d'une ouverture
culturelle sans stigmatisation et se donner les moyens de cette politique, c'est
aussi dire non au foulard.
Faire
pression sur les politiques pour que la liberté, l'égalité des droits entre
hommes et femmes et la laïcité ne soient pas reléguées au second plan derrière
les impératifs économiques, c'est encore dire non au foulard.
Réfléchir
à une alternative idéologique dont pourraient se saisir les jeunes, les femmes
et les hommes épris de justice et de liberté, c'est aussi et encore dire non
au foulard.
____
CHANTAL
MELLIES
FEMINISTE
Une
loi d'exception pour les femmes d'origine de pays musulmans. Allons-nous laisser
faire ?
En
France, la politique d'immigration est sexiste. Les codes de la famille ou du
statut personnel du pays d’origine peuvent s’appliquer à certaines femmes
immigrées (Turquie, Algérie, Maroc, …), à la demande du conjoint. Les
femmes étrangères non régularisées par leur mari, dans le cadre du
regroupement familial, se retrouvent, en cas de divorce, en situation d’être
expulsables, le mari étant le seul à garder un droit de séjour.
La
polygamie est tolérée de fait quand les pères sont les seuls autorisés à
toucher les allocations familiales pour les enfants issus d'unions non reconnues
avec des femmes maintenues dans l'irrégularité. Le recours à la grossesse
programmée est souvent le seul moyen pour les femmes arrivant seules d'éviter
l’expulsion et d'obtenir des papiers. Pour la régularisation des hommes, les
femmes d'origine étrangère, mais de nationalité française, sont utilisées
et se voient imposer le mariage arrangé ou forcé. Le marché international des
agences matrimoniales prospère en exploitant les aspirations des candidates à
l'immigration. Ce marché répond à une demande des hommes de reprendre leur
position dominante dans les rapports avec les femmes, considérées comme trop
émancipées en Europe. Le trafic et l'exploitation des prostituées étrangères
s'appuient sur les mêmes mécanismes : trahison des aspirations des femmes et
mise à disposition de femmes sous tutelle et dociles.
La
politique d'immigration a fait le lit des islamistes, qui ont investi les zones
désertées par les pouvoirs publics. Les filles et les femmes du mouvement
« Ni pute, ni soumise » ont bien dénoncé l’enfermement dans les
quartiers, la stigmatisation des filles, la pression et la violence qu’elles
subissent. Elles rappellent que les élus n’ont pas soutenu celles et ceux qui
avaient un projet laïque et démocratique, préférant consolider la place des
"grands frères" pour les canaliser. Les organisations islamistes, de
même obédience que l’U.I.O.F. (grande gagnante de la consultation
nationale), sont très actives dans les quartiers. Les islamistes savent
utiliser les misères sociales et économiques et le fonctionnement démocratique
pour recruter et prendre du pouvoir. L'islamisation des esprits gagne du
terrain. Mr Sarkozy n'a-t-il pas lancé un appel aux Imams du pays pour calmer
les esprits des garçons sous leur contrôle, avant la guerre contre l'Irak! ! Aujourd'hui,
en contrepartie de la paix sociale dans les quartiers, la discussion est ouverte
au niveau local avec ceux qui voudraient faire évoluer la loi de 1905 et
obtenir des financements publics pour les activités culturelles et sociales des
lieux de culte.
Au
niveau international, les islamistes participent aux rencontres des
organisations internationales et tiennent la même position que le Vatican sur
la contraception, l’avortement et l’homosexualité. Reconnus comme de
« bons élèves » en économie libérale et en technologie réseau,
ils peuvent comme les turcs l’ont fait, afficher leur programme de
gouvernement : « Rigoristes pour la famille (traduire pour les
femmes) et libéraux pour l’économie ». Ce projet de société est
partagé avec l’extrême droite européenne, qui s’accorde avec les intégristes
sur la mise sous tutelle et en dépendance économique des femmes et sur le
racisme et l'antisémitisme.
L’intégrisme
religieux s’engouffre aujourd'hui dans le vide idéologique laissé par
l’effondrement du communisme et le consumérisme ; les pressions politiques
des religieux sont utiles pour mener à bien la mondialisation des marchés et
les régressions sociales et culturelles indissociables.
Les partis de gauche et les mouvements pour une autre mondialisation ne
veulent pas s'attaquer de front à l’avancée des idées intégristes,
islamistes en particulier, et s'interroger sur la conception néo-colonialiste
qui prévaut dès qu'il s'agit de l'application de la charia à l'égard des
femmes.
Veut-on
oublier, encore aveuglé-e-s par la peur des talibans, que les iranien-ne-s
vivent depuis 20 ans sous le joug d’un ministère du Vice et de la Vertu ?
Veut-on oublier que les barbus algériens, entraînés en Afghanistan pour créer
la terreur, ont été remis en liberté et sont représentés dans le
gouvernement algérien ?
Pour
toutes ces raisons, en solidarité avec les femmes qui se sont révoltées, qui
suffoquent sous le voile, qui sont mortes de l’avoir refusé ; celles qui
luttent aujourd’hui pour s’en libérer (au sens propre et figuré), il est
urgent de refuser la normalisation du port du foulard pour les filles
d’origine de pays musulmans. Les conséquences sont nombreuses et
douloureuses, contraires à toute idée d’émancipation et de libération pour
elles et pour les autres. L’exception française sur la laïcité peut voler
en éclat sous la pression des intégristes religieux. C’est la mixité de
l’espace public qui est mise en question tout autant que la laïcité. Notre
idéal de liberté et d'égalité est universel et ne peut faire l'objet de
compromis douteux au nom du respect des particularismes culturels. N’oublions
pas l’effet « Ben Laden » sur les garçons et la montée du
racisme anti-arabe, que subiront de plein fouet les filles stigmatisées par le
voile, ce qui aboutiraient à l’exclusion et l’enfermement recherchés.
Comment
rejoindre les femmes issues de l’immigration, laïques et démocrates, féministes,
pour faire entendre nos voix ?