Cercle
d'Etude de Réformes Féministes
Face aux obscurantismes (l'islamiste et les autres) : le Devoir de Liberté
II - LATIFA BEN MANSOUR
FRERES MUSULMANS, FRERES FEROCES[1]
Latifa Ben Mansour plaide pour l'islam :
" Si ce
livre a lieu d'être, c'est qu'il est un plaidoyer en faveur de l'islam inculqué
par de vrais musulmans. En premier lieu, mon père, agrégé de mathématiques,
qui porta à Tlemcen l'étoile de David en signe de solidarité avec ses collègues
juifs marqués par l'infamie des lois pétainistes, qui retarda son mariage pour
soutenir ses amis et collègues juifs dans la détresse. En second lieu, mon
grand-père maternel, qui ne supportait pas les « turbans ». Il jugeait qu'ils
venaient nous signifier un peu trop facilement, comme si nous ne le savions
pas déjà, que nous étions des êtres forgés pour la mort. Il m'a obligée à
supporter de vivre, lui qui fut torturé à mort, et à respecter la vie. Ces
deux hommes, l'un de la descendance du prophète Muhammad et l'autre d'origine
turque, m'ont inculqué chacun à sa manière, et le temps qu'ils ont eu à
vivre, un islam tolérant, ouvert, lettré, érudit, cultivé, bienveillant et
solidaire, un islam laïque."
Elle
l'achève en citant le Coran :
"Celui
qui trouve le bonheur, qu'il rende grâce à Dieu, et celui qui se perd, qu'il
ne s'en prenne qu'à lui-même".
Son livre est une analyse du discours des islamistes en Algérie.
Elle
définit cet islam là comme un totalitarisme :
" Le processus mortifère qui s'est emparé d'une partie de mon pays depuis plus de dix années est connu et répertorié. Il s'appelle le totalitarisme."
"Les
intégristes algériens ont toujours dit dans quel lieu ils se situaient : la
destruction de l'État républicain algérien et l'instauration d'un État total
et féodal fondé sur la charia pour transformer les Algériens en esclaves et
en faire de la chair à canon pour dominer le monde."
"
Il ne s'agit ni de spécificité ni de particularité purement algériennes,
arabes ou musulmanes, mais d'une idéologie connue, répertoriée et nommée :
le totalitarisme, portée par le mouvement du Front islamique du salut ".
" C'est un discours d'extrême droite et qu'il suffit pour s'en convaincre
de retirer la mise en scène, les vêtements et de considérer la langue arabe
comme un objet d'analyse comme toutes les autres langues, pour retrouver la
structure des discours totalitaires ". " Les chefs ont été imprégnés
des théories des penseurs d'extrême droite européens".
Elle
insiste sur le fait que :
"Ceux
qui prétendent que tous les intégristes sont des incultes issus d'un milieu
socioculturel défavorisé et que leur discours est une dénonciation de
l'exclusion, font une énorme erreur d'analyse. Les théoriciens du FIS sont
des diplômés de très haut niveau, maniant la rhétorique dans plusieurs
langues. Anouar Haddam, par exemple, est docteur en physique nucléaire.
Il provient d'un milieu social favorisé.
Enfin,
ceux qui disent et écrivent que l'intégrisme n'a touché que les arabophones
ou les arabisants, et qu'une région comme la Kabylie a été épargnée, se
trompent aussi. Deux des leaders des plus sanguinaires, le colonel « nazi »
Muhammad i Saïd et son cadet surnommé Muhammad Saïd, sont kabyles.
Le
constat que l'on peut faire est le suivant: l'intégrisme a touché toute
la société algérienne et toutes les régions d'Algérie. II a fait éclater
des familles. Ici, en Europe, nous avons peur pour
nos enfants ; en Algérie et dans tous les pays menacés par le
totalitarisme, les familles ont peur de leurs
enfants.
Le discours nazi n'a pas été entendu par tous en tant qu'annonciateur de catastrophes et de folie meurtrière. Nous pouvons aujourd'hui saisir les effets dévastateurs d'une parole délirante, totalitaire, qui a les mêmes conséquences que le discours des mouvements totalitaires."
Elle
rappelle qu'en Algérie, la jeunesse fut la cible privilégiée du parti
totalitaire, le FIS.
Elle explique, en citant Hachemi Cherif, comment il est arrivé en Algérie :
«
Les concepteurs et les propagandistes ont été importés à coups de devises
lourdes du Moyen et de l'Extrême-Orient. Aux yeux des dirigeants politiques de
l'époque, nos oulémas, nos savants n'étaient pas suffisamment à la hauteur
(...) Il s'agissait non pas tellement d'arabiser, mais de mettre à profit les
processus d'arabisation pour vider l'enseignement (...) de tout l'intellect et
de la personnalité, de son contenu scientifique et humaniste. »[2]
"Le
lavage de cerveau a commencé dans les écoles. Il a été fait avec la
complicité et la bénédiction de responsables algériens. Pendant qu'ils
envoyaient leurs enfants dans les écoles occidentales, certains enseignants
embrigadaient les jeunes Algériens et les poussaient à aller mourir à
Beyrouth (...) Les Algériens sont devenus leurs esclaves, leur chair à canon
et ont été mêlés à des problèmes qui ne les concernaient ni de près ni de
loin. Nous avons vu aussi Muhammad Al Ghazali, disciple de Hassan A1 Banna, théoricien
des Frères musulmans égyptiens et condamné en Égypte dans son propre pays,
diriger une université en Algérie et prononcer tous les vendredis à la télévision
algérienne des prêches qui n'avaient rien à voir avec la religion. Ces prêches
étaient de véritables appels au meurtre, au sacrifice pour la « juste cause
du peuple palestinien ».
Latifa
Ben Mansour cite le "crédo" des Frères Musulmans :
"Voici
le credo des frères musulmans : Dieu est notre but . L'Envoyé
est notre modèle. Le Coran est
notre Loi. La guerre sainte est
notre chemin. Le martyre est
notre désir "
"Hassan
AI Banna dit: « Le musulman a pour devoir de faire revivre la gloire de
l'islam, en promouvant la renaissance de ses peuples, en restaurant sa charia.
Le drapeau de l'islam doit dominer l'humanité. Le devoir du musulman est d'éduquer
le monde selon les règles de l'islam. Je m'engage à lutter tant que je vivrai
pour réaliser cette mission, et à lui sacrifier tout ce que je possède. »
Elle
les accuse d'avoir mis en place une organisation mondiale :
"Ce credo a connu un grand retentissement dans plusieurs régions du monde. (..) Cela permit la création d'un commandement général et mondial pour tous les courants totalitaires. Le commandement général est structuré de telle sorte que, dans chaque zone géographique, il y a un représentant de l'organisation, un « émir ». En Europe par exemple, il existe la même structure que dans n'importe quelle région arabe. "
Elle
compare leur critique de l'occident à la vision nazie :
" Ces mouvements critiquent de la manière la plus virulente les modèles
de société à l'occidentale. Une société aux mœurs corrompues et néfastes
où il y a la mixité, où l'on consomme de l'alcool, où règnent la licence,
le libertinage, la délinquance et la drogue (...) (.
La critique de la société occidentale par les intégristes égyptiens rappelle
étrangement celle du Dr Goebbels qui s'est saisi avec énergie du problème
suivant: l'Allemagne est devenue une colonie du Capital mondial, c'est-à-dire
de l'Occident).
La
morale, les bonnes moeurs sont les chevaux de bataille de tous les totalitaires.
De même, la laïcité et la démocratie sont la bête noire des intégristes.
Mais ils n'hésitent pas, selon la formule de Hannah Arendt, « à user et
abuser de la démocratie pour mieux l'abolir ». C'est pour eux la djahiliya,
la gentilité, l'ignorance et la barbarie antéislamiques."
Pour
elle, cette critique de l'occident débouche sur la volonté de le détruire :
"Pour
les intégristes, réconcilier le musulman avec son identité « perdue », sa
personnalité, ses valeurs et ses vertus signifie détruire l'Occident et
tout État qui s'inspire de l'Occident pour moderniser sa société. L'Occident
est le représentant de Satan et devient une cible stratégique à abattre.
Elle
cite les propos de Sayyid Abu `Ala A1 Mawdudi, "le théoricien intégriste
pakistanais :
"La
civilisation occidentale moderne manque d'un sens de direction. Elle est pourrie, car les principes qui la fondent sont faux notamment par le fait que
cette civilisation se base sur l'indépendance et l'indifférence de l'homme par
rapport à l'orientation divine...
Il
est inutile d'insister sur le, fait que de pareilles valeurs et normes, ou plutôt
l'absence de vraies valeurs et normes, sont incompatibles avec l'islam."
Elle
cite Hassan Tourabi
-
"L'islam s'identifie à la liberté et seule la force protège cette liberté.
L'Occident n'admet pas la démocratie
qui porte les musulmans au pouvoir, au contraire il frappe la démocratie pour
entraver l'occupation du pouvoir par les musulmans. C'est pour cela que
l'acquisition du pouvoir par le Jihad est très nuisible pour l'Occident. Le
Jihad est une partie intégrante de la da'wa (la mission). C'est une étape nécessaire
dans l'accomplissement de la mission des musulmans."
-
"Le nationalisme arabe a adopté les valeurs islamiques en tant
qu'alternative incontournable dans l'affrontement avec l'Occident."
NB
: l'opinion de Mawdudi selon laquelle l'Occident manque d'un sens de la
direction et est indifférent à l'orientation divine est exactement celle développée
par Tariq Ramadan dans son livre "Islam, le face à face des
civilisations" cf chapitre sur le conseil européen de la fatwa)
Elle
explique la négation de l'idée de nation par l'islamisme, et le compare
sur ce point avec le nazisme :
"Pour
atteindre cet objectif et rétablir le califat « panislamique » qui fédérera
les provinces musulmanes, ils sont prêts à détruire tout État qui se fonde
sur l'idée de nation. L'autorité doit être exercée par un chef unique, le
calife, qui devra appliquer la charia, car les musulmans, selon eux, n'ont pas
à discuter les ordres de Dieu ".
"« Les concepts de nation, d'État, de classe, de confession doivent être détrônés, et ce qui est reconnu commesource dernière de l'existence allemande, c'est le Volkstum, la race, la communauté de sang », nous dit Jean-Pierre Faye. Remplaçons la communauté de sang par frères musulmans et nous verrons se dérouler sous nos yeux le même processus. "
Elle en conclue : "Leur stratégie
tentaculaire est de détruire le monde pour que survivent uniquement leurs
sectes dans un univers purifié."
Elle cite la conception de la Djihad des leaders du FIS .. :
" Le jihad est ancré depuis des siècles dans notre pays. Nous sommes un peuple de guerriers."
"Je veux insister et dire que la voie vers la victoire et l'instauration d'un Etat islamique n'est pas facile.Elle est très dure. Elle demande des sacrifices humains. Elle se fait sous les gourdins, la torture. Mais le fruit cueilli sera la gratification et la récompense immense chez Allah."
...
leur conception de la charia :
"Cent coups de fouet à celui qui pratique l'adultère alors que l'on autorise les maisons closes. Si l'on veut appliquer la charia, il n'y aura plus de maisons de débauche, plus de mixité dans les écoles, ni dans les universités. Je ne peux pas condamner quelqu'un à la flagellation pour cause d'adultère alors que la mixité est permise dans les écoles !"
NB : ce raisonnement, qui juge injuste l'application la charia dans un état qui n'applique pas par ailleurs la loi islamique, est précisément celui développé par Hani Ramadan dans son article paru dans "le Monde" sur la Charia ( cf chapitre sur le conseil européen de la Fatwa)
... leur conception de la maternité :
" La femme doit élever son fils et le sacrifier dans la voie d'Allah, comme Esma. La femme doit être contente, joyeuse lorsqu'un de ses fils meurt dans la voie d'Allah, pousser des youyous, comme A1 Khansa' ', qui a donné quatre martyrs. Tous ceux qui ont été vaincus, c'est à cause de leurs femmes qui leur disaient : Pourquoi mourir ? Tu as des enfants à nourrir. vous devez encourager vos fils [à aller mourir]. Vous devez être heureuses et joyeuses lorsque le sacrifice des vôtres est pour Allah."
Et
elle rappelle que les groupes armés du FIS ont jeté plusieurs nourrissons au
feu devant les yeux de leurs mères.
....leur
conception de la démocratie :
"Il
n'y a pas de démocratie parce que la seule source du pouvoir, c'est Allah, à
travers le Coran et non le peuple. Si le peuple vote contre la loi de Dieu,
cela n'est rien d'autre qu'un blasphème. Dans ce cas, il
faut tuer tous ces mécréants pour la bonne
raison que ces derniers veulent substituer leur autorité à celle de Dieu. La démocratie
est un kufr [mécréance]... En démocratie,
la souveraineté est celle du peuple, de la racaille et des charlatans."
...ainsi que leur conception de la laïcité :
- "La
loi [la Constitution] ne doit pas contredire la charia.
Toute loi qui s'oppose à la loi divine est vanité, mensonge et pharisaïsme.
Qui sont-ils ceux-là qui viennent avec leur qanoun, leur loi ? Qui a rédigé
ce qanoun ? Qui a voté pour lui ? Ils se sont réunis chez eux, ils se sont
entendus et puis l'ont rédigé. Ils ont décrété qu'il ne peut y avoir de
rassemblement sur la terre des musulmans. Ils nous ont imposé une loi, qui
n'est pas celle d'Allah, et nous l'ont imposée par le sabre. Lorsque le président
du tribunal doit énoncer une sentence, il dira « Au nom du peuple » pour
condamner le peuple et l'envoyer en prison. Ils rendent licite ce qu'ils veulent
et illicite ce qu'ils veulent."
-
"En islam, il n'y a pas de laïcité.
La laïcité est née dans les sociétés permissives et dévoyées. Elle est née
dans les sociétés occidentalisées. La laïcité est née après la
destruction de l'Église. Ces hommes de religion qui vendaient les pardons dans
les confessionnaux... C'est après la Révolution française que la laïcité
a vu le jour. Ceux qui sont à l'origine de la Révolution française sont les
juifs.
-
« Nous sommes un peuple musulman, hommes et
femmes qui ont fait des sacrifices pour la religion musulmane, pour éradiquer
les mécréants et les impies. Comment voulez-vous que réagisse un peuple si
on touche à sa religion, à sa foi ? Il devient hors la loi. Voilà le
fondement de l'insécurité et de l'instabilité»
Latifa
Ben Mansour analyse la construction
des discours manipulatoire des islamistes :
-
son apparence de discours "noble et généreux",
-
son caractère "circulaire",
-
son usage de l'implicite; " la signification implicite sera ainsi mise à
la charge de l'auditoire.". Elle cite en exemple un prêche "où il
est demandé à l'auditoire d'égorger et d'immoler le mouton qui est le
substitut et la métaphore de l'être humain". Elle explique : "la
violence que l'on ressent en écoutant ces prêches est due au fait que l'énonciateur
ne prend jamais en charge les énoncés : tout est suggéré, illustré par des
exemples et aussi par l'opération linguistique du passage du particulier au général."
-
son usage de la dénégation, le
caractère à sens unique des discours devant des assemblées, où "les
seules interventions de l'auditoire que j'ai pu relever sont les répétitions
jusqu'à la transe, de phrases comme "Allah est le plus grand" ou
"par notre sang, par notre vie, nous te vengerons,¨ô islam";
-
sa déformation vocale "Allah devenant Aaaaaaa Laaaaah" et cite
Klemperer (auteur de "LTI, langue du IIIeme Reich ") : "Le Fûhrer
prononce quelques phrases devant une assemblée. Il serre le poing, il crispe le
visage, c'est moins un discours qu'un hurlement sauvage, une explosion de
rage" ...
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