PROPOSITION DE LOI CONTRE LES VIOLENCES
REMARQUES DU CERF
Résumé
(voir les textes de références – code pénal etc- en annexe)
Articles 1 à 9 :
Nous sommes d’accord avec vos propositions (sauf points de détail)
Articles 10 à 14 : loi de 1881
Nous vous adressons sur ces points notre article sur l’urgence de repenser les lois anti-haine.
Nous ne sommes pas très favorables à une « division » par catégories (race, sexe…) de l’infraction d’injures (alors qu’il existe une infraction générale d’ « injure »), et nous en venons à nous interroger sur la pénalisation de la diffamation envers les groupes.
Nous souhaiterions qu’un projet de loi sur les violences abordent les points suivants :
a) Diffusion publique de pornographie ou de publicites porno ou avilissantes :
nous demandons l’application effective d’un texte existant ( à améliorer) qui la punit d’une amende (Code Pénal R624-2) : il s’agit pour nous de formes de banalisation de la violence
b) Excès de pression sur la mère en cas de Garde alternée :
La garde alternée peut être une réussite, mais peut aussi aboutir à des situations de pression extrême sur la mère : il semble que la loi de 2002 n’ait pas prévu les garde-fous indispensables :
nous estimons nécessaire de faire sous peu un bilan des effets de cette loi sur la santé et la situation financière des mères (et des enfants) soumises à ces contraintes.
c) Délit de non présentation d’enfant en cas de soupçons d’inceste :
Le délit était initialement pensé pour des cas d’enlèvement, aujourd’hui il conduit à la condamnation à prison de femmes craignant pour leur enfant :
nous proposons que la mère (ou le père) qui refuse de remettre l’enfant ne soit pas poursuivie, si elle accepte de l’amener dans un centre d’accueil sécurisé.
d) Signalement de maltraitance sexuelle ou autres envers enfants ou personnes agées :
Malgré la loi du 2-1-2004, subsistent des problèmes pour les médecins, en particulier la lenteur : nous joignons un article du Dr Frilay, qui propose des aménagements sur ce point.
e) Dénonciation calomnieuse de violences sexuelles :
Les femmes dénonçant des violences sexuelles risquent de se voir condamnées elles-mêmes si le tribunal ne reconnaît pas la culpabilité de l’accusé :
nous demandons que la législation soit aménagée afin la présomption d’innocence de la femme qui s’estime violentée soit réellement respectée.
f) Conséquence des violences sur la vie professionnelle des femmes :
nous proposons que les entreprises soient entièrement indemnisées des frais dues aux absences pour violence, afin que la victime elle-même, et les femmes en général, ne soient pas dévalorisées professionnellement à cause des violences,
nous approuvons la proposition de N.Ameline d’ouvrir le droit à l’assurance chomâge en cas de démission due à la violence.
Explications
ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI
La « sensibilisation à la violence conjugale » comme à toutes les violences sexuelles aurait plutôt sa place dans l’article 312-16 sur l’éducation sexuelle, où l’on apprendra que « quand une femme dit non c’est non »....
Dans l’article 312-15 sur l’éducation civique, c’est la sensibilisation à toutes les violences (physiques ou verbales) envers les femmes (pas seulement la mariée) ainsi qu’à l’égalité pour les tâches domestiques, à l’interdit des comportements racistes, antisémites, homophobes.., du bizutage, de la calomnie d’autrui, à l’obligation d’aider les personnes âges ou handicapées, d’assister les personnes en danger, de s’opposer aux violences...
Le projet espagnol prévoit une éducation aux méthodes de résolution des conflits (art 6).
(PS : nous avons des craintes sur des « dérives » de ces enseignements, malgré leur utilité).
Les mesures d’éloignement devraient pouvoir être imposées au concubin ( en cas de bail aux deux noms ou droit sur le logement) même en l’absence d’enfant.
Le délai de quatre mois actuellement prévu par l’article 220-1 pour demander le divorce ou la séparation de corps, paraît assez court du point de vue de la femme, compte tenu des pressions pouvant être exercées ( rien n’empêche le conjoint de faire l’une de ces demandes à tout moment il le souhaite).
Il paraît utile de prévoir l’interdiction d’approcher également le lieu de travail, et d’étendre l’interdiction aux cas de violences ou menaces ou atteintes à la liberté de se déplacer, non seulement de la part du mari ou concubin, mais aussi des « ex » et des « prétendants ».
La prévention des violences envers la « compagne » comme envers l’épouse pourrait être un motif de soins.
(PS : à l’obligation de « soins », nous préfèrerions substituer le terme « assistance à des cours d’éducation civique et sociale » voir code de l’éducation ...)
Les établissements de « soins » volontaires ou d’ « éducation/prise de conscience » seraient utiles non seulement pour les conjoints violents, mais pour les pères incestueux, et les « acheteurs » de prostitution.
( Voir notre article sur les lois anti-haine pages 2 et 3, 5 à 7).
En ce qui concerne l’incitation à la violence nous demandons que l’incitation à la violence envers un groupe de personne (quel que soit le critère de définition) soit réprimé, quelle que soit la nationalité du coupable. Nous demandons aussi que la présentation d’une violence comme conforme à une norme religieuse soit considérée comme une incitation à la violence (voir ci après texte de Ghassan Ascha sur le « droit de correction » musulman).
En ce qui concerne l’incitation à la discrimination, nous pensons que l’infraction pourrait se limiter dans tous les cas à l’incitation aux infractions de l’art 225-2 du Code Pénal.
En ce qui concerne l’injure, nous pensons que l’incrimination générale est suffisante, mais qu’il faut distinguer l’injure « purement verbale » des injures assimilables à de véritables menaces de violence.
En ce qui concerne la diffamation, nous pensons que l’incrimination ne serait pas utile, cependant dans le cas des manuels scolaires, la France doit respecter son engagement (convention de 1979 art 10-c) d’éliminer les stéréotypes dans l’enseignement (et son propre code de l’éducation, art 121-1).
En ce qui concerne la publicité, nous demandons une répression des publicités « porno » ou avilissantes : voir ci dessous.
AUTRES DISPOSITIONS SOUHAITABLES
a) Diffusion publique de pornographie ou de publicités porno ou avilissantes :
(voir paragraphe sur la pornographie dans l’article sur les lois anti-haine, page 5).
b) Excès de pression sur la mère en cas de garde alternée :
La garde alternée autorisée en 2002 peut être une heureuse solution, si les parents s’entendent bien, se répartissaient également les tâches domestiques avant leur divorce, ne perturbe pas l’enfant, mais … « L’expérience [canadienne ] a montré que la résidence alternée entraine des problèmes de dépenses accrues, de mobilité réduite, de harcèlement et litiges continus entre ex-conjoints, notamment en cas de violences masculines préalables à la rupture. » (Denise Coté, citée Hélène Palma et Martin Dufresne, dont nous vous joignons l’étude sur la loi de 2002).
Par harcèlement, on entend en particulier les exigences et critiques adressées à la mère, favorisées par la fréquence des changements de garde.
Pour avoir une idée de l’état d’esprit de certains pères, il suffit de lire cette proposition, faite par une association censée être extrêmement progressiste, l’APGL (association des parents gays et lesbiens) : « Exercice de la responsabilité parentale en cas de conflit : (…) nous proposons que le parent hébergeant soit contraint à faire un rapport écrit puis commenté oralement à l’autre parent, en présence d’un tiers, à propos de l’éducation de l’enfant. » (texte de l’APGL ci joint, toujours affiché sur le web).
Hélène Palma et Martin Dufresne relèvent en particulier que le juge peut s’opposer à un changement de résidence d’un parent, à la demande de l’autre (ce qui peut nuire gravement à la situation professionnelle et financière de la mère). Et encore, que la loi « enjoint aux juges d’imposer une continuité du lien de l’enfant avec chacun des parents, une clause qui risque d’aggraver les cas, trop fréquents, de violences répétées sur enfants, où des mères n’arrivent pas à faire déroger les tribunaux aux droits du père ».
C’est pourquoi nous estimons indispensable de faire un bilan des effets de la loi française de 2002 sur la santé de la mère et de l’enfant, et la situation financière de la mère.
c) Délit de non présentation d’enfant en cas de soupçon d’inceste :
Voir Code Pénal articles 227-5 à 227-11.
La situation de la mère qui craint que l’enfant soit victime de violence si elle le confie à son père ( ou l’inverse) est d’une violence terrible.
Il semble que, les juges pouvant commettre des erreurs d’appréciation, il est particulièrement cruel de punir la mère (ou le père), qui tremble d’obéir à l’ordre de confier son enfant à l’autre parent ( que cette crainte soit fondée ou pas). Il est évident que dans de telles situations, l’enfant ne peut que souffrir de la tension et de la peur ambiante, quelque soit la bonne ou mauvaise foi des parents, et qu’il faut l’en protéger en tout état de cause.
C’est pourquoi nous proposons que le parent qui craindrait de confier l’enfant à l’autre parent hors des lieux d’accueil et de rencontre sécurisés, et qui l’amène ou le confie effectivement régulièrement à ces centres, ne soit pas poursuivi comme s’il avait voulu enlever l’enfant.
d) Signalement de maltraitance sexuelle ou autre envers enfants ou personnes agées :
voir l’exposé du Dr Frilay dont le texte est ci joint et Code Pénal article 226-14.
Le Dr Frilay demande notamment qu’un délai de 72 h soit défini pour connaître la suite donnée par le Procureur au signalement, et la possibilité de recourir au Juge aux affaires familiales.
e) Dénonciation calomnieuse de violences sexuelles :
Le problème de cette incrimination se pose tant pour les femmes victimes de viols ou autres agressions sexuelles, que pour les mères soupçonnant que leur enfant est victime d’inceste.
Voir Code Pénal articles 226-10 à 12 et étude de l’AVFT ci jointe.
L’AVFT indique que la plupart des poursuites pour dénonciation calomnieuse sont relatives aux accusations de violences sexuelles contre des mineur-es ou des majeur-es et que le délit de dénonciation calomnieuse est utilisé aujourd’hui pour faire taire les victimes.
L’AVFT dénonce l’absence de respect de la présomption d’innocence de l’accusatrice.
« La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d’acquitement, de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n’est pas établie ou que celui-ci n’est pas imputable à la personne dénoncée. » dit l’article 226-
Nous proposons que cet alinéa ne soit pas applicable dans le cas où l’un des éléments constitutifs de l’infraction dénoncée est l’absence de consentement à un comportement sexuel.
Dans ces infractions (viol, atteinte sexuelle), le fait que la preuve du non-consentement n’est pas pu être apportée, ce qui doit profité à l’accusé, ne signifie pas que dans l’esprit de la victime il y aurait eu consentement, autrement que dans son esprit il n’y aurait en aucun eut e refus de consentir...
Dans le cas de harcèlement sexuel ou d’inceste, il conviendrait peut-être de rappeler que la calomnie ne peut être reconnue que s’il est prouvé que l’accusatrice n’avait strictement aucune raison de croire soit à une pression en vue d’obtenir des faveurs, soit à l’abus envers l’enfant.
f) Conséquences des violences sur la vie professionnelle des femmes :
(et Exposé sur la nécessité d’assurer les entreprises contre les dommages causés les pressions et contraintes subies par les femmes, pour ne pas handicaper celles ci sur le marché du travail)
Les femmes victimes de violences peuvent rencontrer des difficultés pour assumer leurs devoirs professionnels : maladie, nécessité de s’absenter pour effectuer des procédures et formalités, ou même nécessité de déménager et de quitter leur emploi.
Le projet de loi espagnol prévoit ( article 17) que les femmes auront dans ce cas droit à des absences et aménagement de leurs conditions de travail, et qu’en contrepartie, les employeurs seront le cas échéant exonérés de 100 % des charges sociales sur les salaires de leurs remplaçant-e-s.
Il semble que cette compensation ne couvre pas tous les coûts pour l’entreprise des contraintes que la loi leur impose de supporter. Nous pensons que ce type de disposition est assez typique des « droits pièges » pour les femmes, dans la mesure où elles rendent l’emploi de femmes plus coûteux pour l’entreprise et donc dysqualifient les femmes sur le marché du travail.
Nous nous permettons de développer ici ce thème qui nous paraît très important et jamais énoncé par les féministes :
Dès lors que les « droits » des femmes dans le cadre du travail ( qu’ils soient liés à la violence comme à la grossesse ou aux absences ou contraintes d’horaires pour soins aux enfants …) resteront à la charge de l’entreprise, ils seront en dernier supportés par l’ensemble des femmes sous forme de sous-rémunération et de handicap sur le marché du travail. Dès lors s’entretient le cercle vicieux où les femmes, ayant relativement moins d’intérêt financier à travailler dans l’entreprise, acceptent plus facilement de se retirer partiellement du travail, sont perçues comme moins fiables et donc moins rémunérées et moins reconnues, et donc en situation de faiblesse financière relative dans le couple, donc plus vulnérables dans le couple …
C’est pourquoi nous pensons que les entreprises devraient pouvoir bénéficier d’assurances (financées par elles ou par l’Etat), pour l’intégralité des dommages qu’elles subissent du fait des contraintes familiales de leurs salarié-e-s ou des violences ou pressions qu’elles subissent, ou pour les mesures qu’elles prennent afin d’assurer la disponibilité des parents (crèches d’entreprises …). Ce coût consiste dans : le coût de la réorganisation, de la recherche d’intérimaire et le surcoût des rémunérations d’intérimaires par rapport à un salarié habituel, dans la mesure où il est possible d’en trouver, le coût des heures supplémentaires dans le cas contraire, et dans les PME, de la surcharge de travail pour le ou la chef d’entreprise elle même faute d’autre solution, les préjudices divers dans le cas où il n’y a pas de solution pour effectuer le travail de la salariée absente ou démissionnaire ...
Trop souvent les féministes se sont conformées au point de vue de gauche opposant salariés/patrons et ont traité systématiquement les droits des femmes comme des droits « contre » les patrons. Or ce raisonnement est irréaliste. L’entreprise n’a pas à prendre en charge le coût possible soit de la maternité, soit de l’inégalité de force physique entre hommes et femmes. Et dans la réalité, elle répercute le surcoût sur les femmes, en les rémunérant moins, en constituant ainsi des « réserves de son propre assureur » pour parer au surcoût mis légalement, apparemment, à sa charge. La subordination des féministes à l’impératif d’un raisonnement en terme de « lutte des classes » ne peut que perpétuer l’exploitation économique des femmes, en réservant dans les faits, les travaux les mieux rémunérés aux hommes et les travaux moins ou non rémunérés aux femmes.
g) Comparaison avec d’autres mesures proposées par le projet espagnol :
Le projet propose la punition des actes de menaces, de « contraintes légères » et d’humiliation par le conjoint (articles 32 et 33). Il semble qu’en droit français existe des dispositions utilisables dans ce cas : les dispositions relatives aux menaces (Code pénal article L222-17, R623-1), au chantage (L312-10), aux injures (R621-2), aux violences n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail (R624-1), ainsi que la jurisprudence concernant les « voies de fait » (cf « Droit pénal spécial » Pradel et Dantijuan éditions Cujas 2004).Les voies de fait sont des actes n’impliquent pas de contact physique brutal mais suffisamment graves pour être punissables, « violences qui, sans atteindre matériellement la victime sont de nature à impressionner une personne raisonnable » ou « à troubler son comportement au point qu’elle se blesse elle-même » et qui entraine une incapacité: par exemple, raser le crâne d’une femme, lui envoyer des paquets remplis d’excréments..
Bien évidemment, pour que ces dispositions soient efficientes, encore faut il que les actes commis contre les femmes ne soient pas minimisés, considérés comme normaux par les juges, en fonction d’une double échelle de valeur...
Nous proposons ( voir article sur les lois anti-haine), d’étendre l’aggravation des peines pour le conjoint ou concubins aux actes de menaces et de violences légères.
h) Autre proposition figurant dans notre texte sur les lois anti-haine :
Nous relevons que le viol n’est pas puni plus gravement lorsqu’il est commis sur une femme. Le risque de grossesse à la suite d’un viol est pourtant une réelle barbarie supplémentaire et ne relève pas d’une pure paranoïa féministe …
Nous proposons aussi que les aggravations de peine prévues en cas de violence par le conjoint ou concubins soient étendues aux « ex » conjoint ou ex concubin.